. démarche/thought process

Mon travail met en œuvre notre condition, notre rapport à ce qui nous entoure (aux autres, au paysage, aux au-delà). J'y mets en tension calme des antagonismes à mes yeux indissociables, liés et concurrents, qui s'opposent et se complètent (le sentiment d'une unité complexe).


La question du sens, de sa production et de sa transmission était au centre de mes premiers travaux. Très vite, j'ai décidé de ne m'intéresser qu'au sens produit par mes congénères, le sens de ce qui existe indépendamment de toute volonté humaine étant un problème de croyance.
Quatre lettres résumaient alors mon travail : NSEO, qui désignaient à la fois Nord Sud Est Ouest (le sens au sens de direction, de là où nous sommes) et la tension entre une réalité (Nous Serons Éternellement Obligés) et un désir (Nous Serons Eternellement Oisifs, oisif au sens libre et contemplatif).
De là, j'ai référencé ce qui nous distingue des autres formes de vies connues : la conscience d'être, la conscience de notre finitude, le langage, la capacité d'anticipation, la capacité d'abstraction et de symbolisation, la faculté de modifier notre environnement et de produire du sens, la propriété privée.
La mise en tension de ces capacités m'a dévoilé la problématique du seuil : quand ai-je conscience? jusqu'à quel point le langage me permet-il de dire? puis-je faire abstraction de moi-même? qu'est-ce qui distingue la propriété de l'appropriation ?
Le seuil, à la fois ligne et marge, sillon et confins, valeur minimale et zone neutre, est un espace-temps intenable, un non-lieu. J'ai cherché à le révéler en tentant de placer le regardeur à la fois ici et autre part. Le premier vecteur utilisé fut la maison, envisagée tout entière comme un seuil instable, une discontinuité. J'ai également interrogé ce qui est au bord, en étirant l'instant où conscient et inconscient ne font encore qu'un ; en envisageant l'existence comme une épaisseur, celle d'un seuil dilaté séparant deux au-delà faits de croyances ; ou encore en créant un espace où la réalité se confondait avec sa représentation.
Lentement, je cherchais non plus à être sur le seuil mais « entre », entre les lignes, entre les mots, entre les autres, réuni et séparé, entrelacé.


J'ai réalisé la vidéo mais qu'est ce que tu veux que je te dise ainsi qu'une série de photographies intitulée borne to be alive lors d'un court séjour en Islande en 2004. La vidéo est une variation sur l'entre et le neutre. Elle met en scène le passage d'un homme qui marche. Deux ans plus tard, j'ai pris comme sujet la série de photographies; j'y ai vu un «avant», déjà présent dans la vidéo, «un avant le sens que l'on donne» : il s'agit d'une île isolée, à peine habitée par l'homme, où la réalité n'est pas une construction de signes et de symboles, matériels, informels ou invisibles. Dès que l'on quitte Reykjavik, rien de ce que l'on voit, à perte de vue, n'est le résultat d'une production humaine, exception faite des «bornes» qui marquent un seuil. En les détourant puis en les détachant pour les rendre autonomes à l'échelle d'un carré, j'ai transformé ces bornes en symboles d'une signalétique indiquant notre présence.
Mon regard a alors pu se tourner vers ce qui restait et qui pourtant avait toujours été là : le paysage. Je n'en ai gardé qu'une ligne qui n'existe que par contraste, une ligne infranchissable physiquement, inatteignable : une perspective sans point de fuite, l'horizon.
En fixant cette ligne imaginaire, j'ai eu le sentiment que chacun de nous la contenait, l'idée de l'horizon intérieur, que sépare-t-il ? que puis-je voir au plus loin de moi-même de là où je suis ?


Interroger la nature de cet horizon est un travail sur la nuance, le contraste, l'intensité, le reflet, l'indistinction, tout un travail sur la perception, sur ce qui nous échappe, ce qui est à la fois tenu et ténu ; il pourrait s'agir de distinguer l'infini.


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My work implements our condition, our relationship with what’s around us (with other people, with the landscape, with all what is beyond). I create a calm tension between antagonisms, in my eyes indissociable, linked and rival, opposing and completing one another (the feeling of a complex unity).


My first works focused on the question of sense, its production and its transmission. Quickly, I decided that I was only interested in sense produced by others, the sense of what exists independently of all human willpower being a question of belief.
Four letters, then, summarized my work : NSEO, which designates at the same time North South East West (the sense in the sense of direction, where we are) and the tension between reality (We Will be Eternally ObligedNous Serons Eternellement Obligés in french) and our desires (We Will be Eternally Idle, idle in the sense contemplative and free - Nous Serons Eternellement Oisifs in french).
From that point, I identified what distinguishes us from other known life forms : consciousness of being, consciousness of being finite, language, capacity to anticipate, capacity of abstraction and symbolization, ability to modify our environment and produce sense, the notion of private property.
Putting these capacities into tension unveiled to me the problematic of the threshold : when do I have conscience ? What extent does language allow me to express, to voice ? Can I make an abstraction of myself ? What distinguishes property from appropriation ?...
The threshold, at the same time line and margin, channel and boundary, minimal value and neutral zone, is an intolerable time-space, a no-place. I was seeking to disclose this in trying to position the spectator simultaneously here and elsewhere.
The first vector used was a house (a home), considered in its entirety as an instable threshold, a discontinuity. I also interrogated what is at the edge by drawing out the moment when consciousness and unconsciousness are still one ; by imagining existence as a thickness, that of a dilated threshold separating two beyonds created from beliefs ; or by creating a space where reality and its representation are blended.
Slowly, I was no longer seeking to be on the threshold, but “between”, between the lines, between the words, between others, reunited and separated, intertwined.


I made the video but what do you want me to say to yo ? as well as the series of photographs borne to be alive (“borne” meaning boundary marker in French) during a short stay in Iceland in 2004. The video is a variation on betweenness and neutralness. It stages the passage of a walking man.
Two years later, I took this series of photographs as subject ; in it I saw a “before”, already present in the video, “a before the sense we give” : it’s an isolated island, hardly inhabited by man, where reality is not a construction of signs and symbols, material, formal, or invisible. As soon as you leave Reykjavík, all that exists, as far as the eye can see, is not the result of human production, except for these boundary markers marking a threshold. In diverting and detaching them to the scale of a square in order to make them autonomous, I transformed these boundary markers into symbols of a signalization indicating our presence.
My vision could then turn to what remained, and, nerveless, was always there : the landscape. Of it I only retained a line that existed by contrast, a line that can not physically be crossed, unreachable : a perspective without a vanishing point, the horizon.
Staring this imaginary line, I had the feeling that each one of us could contain it, the idea of an interior horizon : what does it separate ? What can I see furthest in myself, from where I am ?
Interrogating the nature of this horizon is a work on nuance, contrast, intensity, reflection, indistinction, a work on perception, on what escapes to our comprehension, what is at the same time tangible and tenuous ; it could be distinguishing infinity.


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Übersetzung, Marie Luise Syring


Meine Arbeit hat mit unseren Lebensbedingungen zu tun und handelt von der Beziehung zu dem, was uns umgibt : die Anderen, die Landschaft, das Jenseits. Ich versetze Gegensätze, die meiner Meinung nach untrennbar sind, die miteinander verbunden sind und miteinander wetteifern, die sich sowohl entgegenstehen als auch ergänzen, in eine ruhige Spannung (die Idee von einer komplexen Einheit).


Im Zentrum meiner ersten Arbeiten stand die Frage des Sinns, der Produktion von Sinn und seiner Vermittlung. Sehr bald beschloss ich, mich nur noch für jenen Sinn zu interessieren, der von meinen Zeitgenossen produziert wurde, weil der Sinn von allem, was unabhängig vom menschlichen Willen existiert, eine Frage des Glaubens ist.

In vier Buchstaben war damals meine ganze Arbeit enthalten : NSEO. Das bedeutete einerseits Nord Süd Ost West (gemeint ist die Himmelsrichtung, aus der wir stammen) und andererseits die Spannung zwischen einer Wirklichkeit (wir werden ewig zu etwas gezwungen sein) und einem Begehren (wir werden ewig müßig sein, müßig auf eine freie und kontemplative Art und Weise).

Von da an bezog ich mich auf das, was uns von den anderen bekannten Lebensformen unterscheidet: das Bewusstsein, da zu sein, das Wissen um unsere Endlichkeit, die Sprache, die Fähigkeit zur Vorausschau, die Fähigkeit zur Abstraktion und zum Symbolisieren, die Fähigkeit, unsere Umgebung zu verändern und Sinn herzustellen, nicht zuletzt der Privatbesitz. Beim Abwägen all dieser Fähigkeiten kam ich auf das Thema der Schwelle: ab wann habe ich Bewusstsein ? Bis zu welchem Punkt erlaubt mir die Sprache, etwas zu sagen ? Kann ich von mir selbst abstrahieren ? Was unterscheidet den Besitz von der Inbesitznahme ? ...

Die Schwelle ist zugleich Linie und Rand, Furche und Grenze, minimaler Wert und neutrale Zone. Sie ist ein unhaltbares Raum-Zeit-Gebilde, ein Nicht-Ort. Ich habe versucht, sie sichtbar zu machen, indem ich den Standort des Betrachters einmal hierhin und einmal anderswohin versetzte. Das erste Mittel, das ich dazu benutzt habe, war das Haus. Ich habe das ganze Haus wie eine instabile Schwelle behandelt, wie etwas Unzusammenhängendes.

Ich habe mich auch gefragt, was es wohl am Rande gibt. Ich habe den Zeitpunkt in die Länge gezogen, in dem das Bewusste und das Unbewusste miteinander eins werden ; ich habe mir die Existenz als große Dichte vorgestellt, als eine ausgedehnte Schwelle, die zwei jenseitige Glaubenssphären voneinander trennt. Oder ich habe mir einen Raum geschaffen, in dem die Realität mit ihrer Darstellung verschmolz. Allmählich versuchte ich, nicht mehr auf der Schwelle zu stehen, sondern im Dazwischen, zwischen den Linien, zwischen den Worten, zwischen den Anderen, vereint mit ihnen oder getrennt von ihnen, jedenfalls verknüpft.


Ich habe den Videofilm realisiert, ja, was willst Du, was ich Dir dazu sage, ich habe auch eine Fotoserie gemacht mit dem Titel « borne to be alive » (borne in der Bedeutung von Grenze, Schranke, A.d.Ü.), und zwar 2004, bei einem kurzen Aufenthalt in Island. Das Video ist eine Variation zum Thema des Dazwischen und des Neutralen. Es zeigt das Vorüberziehen eines Mannes, der immer weitergeht.

Vor einigen Monaten ist dann die Fotoserie entstanden ; ich habe darin ein „Vorher“ gesehen, etwas, das im Video schon vorhanden war, ein „vor- dem- Sinn- Liegendes“ : es handelt sich um eine einsame Insel, von nur wenigen Menschen bewohnt, und wo die Wirklichkeit eben nicht auf einer Konstruktion von Zeichen und Symbolen beruht, seien sie nun stofflicher, formloser oder unsichtbarer Natur. Sobald man Reykjavik verlässt, ist weithin nichts von dem, was man noch sieht, von Menschen gemacht. Mit Ausnahme der „Schranken“, die eine Schwelle markieren. Ich bin um sie herumgegangen, ich habe sie sozusagen abgehoben, um sie als autonome Formen im Maßstab eines Quadrats erscheinen zu lassen. Und so habe ich diese „Grenzen“ in Symbole verwandelt, die ein Zeichen menschlicher Präsenz setzen.

Schließlich habe ich meinen Blick auf das gerichtet, was übrig blieb und was allerdings immer schon da war: nämlich die Landschaft. Ich habe von ihr nur die Linie bewahrt, die durch den Kontrast sichtbar wird, eine Linie, die physisch unüberschreitbar ist und unerreichbar : eine Perspektive ohne Fluchtpunkt, der Horizont.

Als ich diese imaginäre Linie festhielt, hatte ich das Gefühl, dass jeder von uns sie in sich trägt, die Idee des inneren Horizonts. Was trennt er ? Was kann ich sehen, weit von mir selbst entfernt, von da, wo ich bin ?

Wer sich mit diesem Horizont beschäftigt, der beschäftigt sich mit Nuancen, mit Kontrasten, mit der Intensität, der Spiegelung, der Ununterscheidbarkeit. Das ist eine Arbeit über die Wahrnehmung, über das, was sich uns entzieht, über das, was irgendwie vorhanden und zugleich sehr fein ist ; es könnte sogar darum gehen, das Unendliche zu erkennen.